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10 juillet 2016

L'étourdissement de cet azheimer

20170521_140617

J'entends un mot qui passe et qui repasse dans ma mémoire, gentiment je l'entends me souffler quelque chose à l'oreille mais je ne comprends pas, il ne parle pas assez fort pour moi. Il exagère ce mot coquin, il sait bien que je suis vieille, non ? Il sait bien qu'il faut me parler fort. Mais il m'amuse avec sa candeur d'enfant, ce mot tout jeune qui murmure à mon oreille d'un ton malicieux. Il m'amuse tout comme ces gens inconnus, devant moi : ils me regardent, me sourient, attendent quelques choses. Ils semblent me connaître, mais pas moi. Alors, comme ils m'amusent et qu'ils me sourient, je sourie à mon tour. Je sourie gentiment, d'un air compréhensif. J'ai toujours été compréhensive. Un enfant passe dans mon chant de vision, il saute, il hurle, mais lui non plus je ne le comprends pas, malgré la force de son cri. Mais lui, il ne m'amuse pas, mais alors pas du tout. Il me casse les oreilles m'agresse, m'agresse de ce son inconnu, d'une voix d'enfant criarde. Il me fait mal, je mets la main sur mes oreilles en attendant que quelqu'un fasse quelque chose. On me regarde d'un air inquiet, on ne comprend pas. Mais c'est fort, c'est trop fort pour moi. J'ai envie de pleurer au milieu des regards inquiets de ces inconnus. Je pleure, je n'aime pas pas comprendre. Je préfère passer outre. J'étais intelligente, avant. Je comprenais tout mieux que tout le monde, jeune, j'aurais pus faire de la politique. Mais ma mémoire s'est barré un beau jour, en plein vol, comme ça, sans que je ne puisse rien y faire, et depuis, je souffre en silence. Je ne comprends plus les mots, j'ai l'impression qu'on m'a catapultée dans un pays étranger. Tous ces sons ne veulent plus rien dire. J'en suis totalement désabusée. Je ne sais plus qui je suis dans ce corps déjà vieux, je le regarde, le contemple, contemple ces vieilles mains fripées qui m'appartiennent, je pense. Un regard autour de moi. On attend quelque chose de moi... Mais qui sont ces gens que me veulent-ils. On s'interroge du regard. Quelqu'un prend la parole. Je me force, je me concentre quelques secondes, j'écoute. Mais je ne comprends pas les premiers sons, alors je décroche mon regard divague sur ces gens : ils sont nombreux ? Quelle langue parlent-ils ? Et moi ? Moi ? Je parle la langue secrète de mon esprit. De toute manière je ne leur dirai pas un mot. Ils ne me comprendraient pas, quel dommage. Et puis quelle idée de se mettre à nue devant tous ces gens ! Jamais de ma vie ! Ne suis-je pas déjà si vieille ? Quel âge ais-je ? Je regarde ces mains fripées, qui semblent être à moi. Es-ce que la réponse se trouve dedans ? Je ne pense pas, je les regarde et ne trouve rien qui me le dise. Allons bon ! L'âge ne se trouve pas dans les mains, enfin je crois. Je suis vieille, ne voilà pas un bon indice ? Je suis vieille, cela veut dire que je ne tarderai pas à mourir, quelle satisfaction ! Mourir est une douce dépendance, à cette idée je sourie de nouveau calmé. Prend donc avec bonhomie ces personnes, puisque bientôt c'est fini ! Personne ne parle. Quelqu'un souffle très fort, puis dit quelque chose, alors les gens bougent ils s'assoient sur une chaise, autour d'une table. Je sens que je bouge toute seule, quand en un émerveillement enfantin, je constate être sur un fauteuil roulant. Ce que cette journée est drôle ! Devant mon assiette, tout est déjà coupé et une main monte la nourriture à ma bouche. Je la contemple, ce geste m'hypnotiserai ! Wouaw ! Quelqu'un devant moi ouvre exagérément la bouche, qu'il est drôle ! J'ai l'impression d'être au spectacle, cela m'amuse, cela m'amuse ! On introduit cette nourriture dans ma bouche, mais, je ne sais qu'en faire. Qu'à cela ne tienne, ils resteront dans ma bouche tant pis ! Ça fait une drôle d'impression dans la bouche... que c'est bizarre, c'est agréablement surprenant ! Oh, ce n'est pas une journée comme les autres, ça non ! On m'observe toujours, on guette mes réactions, mais je ne bouge plus. Je suis vraiment conquise du charme de cette tablée. Les gens qui soufflent se lèvent un à un et lentement la table se vide. On me laisse seule ? C'est le plus fort ! On comprendrai donc que j'ai envie de bien terminer cette journée ? Tous ces gens inconnus m'amusent ! Ils sont vraiment charmant de bien vouloir me laisser décider de la fin de cette journée ! Alors je tends mon bras, et j'attrape l'objet qui m'intéresse. Je le retourne vers moi, en pensant encore un merci. La lame du couteau à viande traverse mon torse, et je me rappelle alors que la sensation dans ma bouche, c'est un goût. C'était peut-être lui ce mot à mon oreille...

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